Programme : Bâtiment mixte de bureaux et cinéma
Maître d’ouvrage : Icade et Lamotte
Architecte : ECDM architectes – chef de projet : Barbara Clout – Chaix & Morel et associés (parcelle E), Jean-François Golhen (parcelle B)
Mission : concours 2013
Equipe : BET : RFR Eléments, Girec, Ouest Structure
Photographe :
Localisation : lot C et D – ZAC EuroRennes Féval à Rennes (35)
Surface : 5 800 m² HON
Coût : NB
Livraison : NB
Label environnemental : NB
3 blocs, 3 rochers sculptés, facettés, taillés comme on polirait des pierres précieuses, 3 fragments issus d’une provenance commune, disposés sur le parvis des abords sud de la gare, là où la ville se relâche et commence à se distendre. La mise à distance générée par l’emprise SNCF conjuguée à la singularité morphologique du projet concourent à l’attractivité d’une nouvelle polarité extraordinaire, hors du commun de la ville.
Le projet a été pensé comme maillon d’une continuité urbaine, comme intervention à même de fédérer un territoire distendu par une infrastructure. Paradoxe urbain, nous affirmons autonomie, insularité et mise à distance comme des caractéristiques à même de constituer une polarité et une attractivité suffisamment fortes pour annuler l’idée d’éloignement. Le vide, la lisibilité, le paysage ouvert qui caractérisent le site sont ici un parc urbain, un vide qualifié, dans lequel nous disposons des objets de contrastes, des masses verticales, un archipel de pains de sucre qui viennent saturer de leur présence la vacuité alentour – Image de la baie d’ Along où la surface de la mer s’estompe face à la saturation de rochers, pourtant d’une emprise, d’une surface tellement réduites. Dans un environnement linéaire et vide, nous affirmons la présence de la masse, de la densité, de la force d’une envie de participer à un morceau de ville qui tend un pont par-delà les césures.
Partant d’une intention urbaine aux objectifs clairs, nous extrudons ces ferments proposés par l’équipe d’urbanistes pour conserver cette idée d’espace contenu. Les blocs regroupés se frôlent, s’effleurent, les vides frisent, se tordent pour s’évaporer dans leur environnement. Il s’agit d’un travail de composition. C’est tout ou rien. La filiation est réelle, inaliénable. On retrouve mimétismes et similitudes, les matériaux, les couleurs, les formes ont la même ADN, chacun est différent, l’esprit de clan règne. Des facettes de métal blanc absorbent ou réfléchissent, reflètent par des jeux de miroir des fragments d’un quartier nouveau, visible, lisible par-delà les voies. Aluminium satiné, inox poli, brossé, perforé s’entremêlent passant dans un jeu d’assemblages subtils du mat au brillant, présences et disparitions évoluent au gré des déplacements. D’en face, le quartier vibre, la césure s’estompe, la spatialité du paysage urbain Féval est redéfinie – cadrage cinématographique de la ville.
Elément d’un tout, notre bâtiment est l’expression de l’extrusion d’une des 3 parcelles à ossature triangulée. Au fur à mesure que cette extrusion gagne en hauteur, son enveloppe se déforme en mesh, en un réseau maillé pour habiller un cinéma et ses 6 salles obscures. Panneau d’inox dans tous ses états : poli, satiné, perforé, brossé, jeu en noir et blanc, beau comme une photo Harcourt. Cette enveloppe filtre la lumière, protège d’une trop forte luminosité, instaure la pénombre, propose une transition aux spectateurs. Il s’agit de rentrer mais aussi de sortir de façon progressive de la pénombre de la salle pour s’installer dans le film mais aussi pouvoir partir avec. Tout commence par un foyer, un espace ouvert de déambulation qui parle du cinéma et de tout ce qui va avec : musique, littérature, photos, un comptoir, des caisses, plus loin une brasserie ouverte, de laquelle proviennent animation et lumière. Un large escalier, comme au cinéma et on accède au déambulatoire, espace tout en longueur pincé entre le volume du restaurant et les salles.
A chacune des extrémités du bâtiment nous disposons une surface animée et ouverte, un restaurant, un foyer, un commerce sur l’extrémité ouest, au milieu le long du QUAI le hall d’entrée du bureau. Sur les quais, le bâtiment semble sourire à la ville ; un escalier installé à la commissure des écailles, forme un sourire asymétrique, retenu, presque un rictus comme Marlon Brando en avait le secret. Au-dessus, campé sur cette topographie, sur cette masse, cette butte de métal, des bureaux ; des bureaux pas trop sérieux, des espaces de travail, chez soi en ville au travail perché au-dessus du skyline, ouverts sur un paysage à 360°. Le bureau est ceinturé de balcons, ailettes larges de 2.20 m de profondeur qui donnent des ailes, font flotter les surfaces. Dès les premiers beaux jours, j’ouvre ma porte-fenêtre, mon bureau se prolonge sur la terrasse où je travaille, pianote, geek, fume, participe à une réunion, devise en buvant un café avec un collègue. Ici pas de clim, des fenêtres toute hauteur pour ventiler largement, des brise-soleil utilisables en balcon (le développement durable autant que ça serve), des circulations éclairées naturellement, imbriquées dans le bloc, incrustées dans la façade, des plafonds en béton apparents à forte inertie.
Entre le cinéma et les bureaux, une césure, une faille, un étage qui n’existe pas, dans lequel nous installons toute la technique, celle des cinémas et des bureaux, moins de gaines, moins de bruit, un entretien facile, sécure et une toiture libre de tout équipement technique. La rive de la césure, les interstices, les toitures sont colonisées par la végétation, par une nature opportuniste qui vient reconquérir des territoires perdus. La toiture haute est accessible, ouverte aux cadres et autres employés de bureaux pour faire de la botanique, un pot d’accueil, un mini congrès ou une AG.