programme : construction d’un ensemble immobilier comprenant logements, commerces et équipements de petite enfance
maître d’ouvrage : Paris Habitat OPH
architecte : ECDM architectes – chef de projet : Kikyun Kim
localisation : 21 bis rue Claude Bernard, Paris XIII
superficie : 15 000 m² SHON
coût : 22.5 M€ HT
concours 2010
Les enjeux du programme dépassent la notion de territoire pour interroger la question de la forme urbaine, la capacité de notre époque à franchir un velum, à transgresser un dogme érigé en certitude depuis plusieurs décennies. Pour les résidents d’immeubles dépassant le skyline parisien, habiter haut c’est habiter le paysage, c’est entretenir avec son milieu des échanges privilégiés. Dès lors la question est moins programmatique qu’esthétique, moins dans une problématique formelle que dans la capacité d’une architecture à mettre en œuvre les valeurs d’une urbanité partagée. La hauteur induit autoritairement des valeurs et canons de la modernité : densité, compacité, rationalité. Sans renier ces qualités et leurs évidentes capacités à répondre à des attentes actuelles, et notamment en termes de développement durable, notre projet les réinterprète et les complexifie dans des oxymores architectoniques. Il s’agit d’être compact et léger, dense et élancé, rationnel et composite quand un plot ou une tour de 50 m est un objet architectural isolé, trop haut, ou trop trapu, en rupture avec une urbanité constituée.
Notre projet s’est construit avec la volonté d’échapper aux fatalités formelles liées à la verticalité pour développer cette notion de paysage élargi, quand on pourra voir loin et être vu de loin. Dès lors, la façade se devait d’être à la fois limite, alignement, affirmation de la rue pour être simplement constitutive d’urbanité, et également élément paysagé – paysage vertical fait de pleins et de vides, de premiers plans et de profondeurs de champ s’apparentant à un filtre, un voilage –, pour tendre vers une architecture entre l’ilot et la ville la plus ténue possible quand il s’agit de mettre en scène un cadre de vie plutôt qu’un bâtiment. La grande hauteur est avant tout une possibilité de démultiplier les contours de l’ilot et les surfaces d’échange. Il s’agit de conjuguer la dimension urbaine de l’ilot avec les 50 m de hauteur possible, de trouver une morphologie garante d’urbanité, en échappant à logique d’objet et de plot. Cette démultiplication de la surface d’échange nous permet de mettre en place des interactions novatrices avec l’environnement, et c’est dans ce travail que nous trouvons les fondements de notre projet.
La démultiplication du linéaire de façade induite permet de mettre une très grande majorité de logements donnant sur la place et sur le boulevard Massena, orientés au sud et au sud-est, face à un paysage dégagé, sans vis-à-vis, bénéficiant d’un très bon ensoleillement, d’une belle qualité de lumière naturelle et d’une parfaite intimité. Tous ces logements sont naturellement prolongés par un vaste balcon de 1.80 m de profondeur, offrant tous une surface comprise entre 12 et 15 m² pour que l’on puisse sortir une table, manger, jouer, travailler. C’est une extension réelle du logement, une pièce en plus, protégée du vent et des regards par une paroi en acier micro-perforé. De grandes baies ponctuent cette double peau dans une géométrie libre. Ces percements constituent de grandes fenêtres urbaines, hors d’échelle, ou plutôt à l’échelle du projet. Cette taille démultipliée donne une image luxueuse au projet grâce à une écriture affranchie des contingences liées aux fenêtres à la française. La volumétrie générale est ciselée, découpée pour générer une multiplicité de perspectives et de cadrages. Chacun de ces cadrages est un usage supplémentaire proposé aux résidents, chacun de ces cadrages est donné à voir depuis l’espace urbain comme une façon d’envisager la ville sur une multiplicité de plans : un porche pour l’entrée, un angle échancré pour un jardin suspendu, un autre vers une aire de sport, des failles cadrant des terrasses arborées…