Programme : aménagement de la ZAC Seguin en un immeuble à vocation tertiaire
Maître d’ouvrage : Nexity
Architecte : ECDM architectes – chef de projet : Jérémy Bernier
Mission : concours 2011
Equipe : NB
Photographe : NB
Localisation : Secteur du Trapèze, ZAC Seguin – Boulogne Billancourt (92)
Surface : 60 000 m² SHON
Coût : 150 M€ HT
Livraison : NB
Label environnemental : NB
Le Grand Paysage
La réalisation d’un point émergent, d’un bâtiment qui se déploie au-dessus du vélum Boulonnais est l’occasion de repenser le rapport qu’entretient le nouveau quartier du Trapèze avec le Grand Paysage. Cette ponctuation met en exergue le caractère métropolitain du site en générant un dispositif de repérage lointain. Par son statut, sa dimension et les valeurs qu’il porte, le Trapèze est un territoire singulier constitutif du Grand Paris. Le site est emblématique des mutations qui ont transformé nos villes industrielles, de ces changements de paradigmes qui ont permis la mise en œuvre d’un environnement d’une grande complexité prenant en compte les attentes d’une société désormais postmoderne. Dès lors, la verticalité à instaurer doit permettre de rendre lisible l’expression d’un territoire où l’aménagement définit un cadre de vie pensé comme un savant équilibre entre minéral et végétal, entre pleins et vides imbriquant la complexité d’un territoire dense et attractif. Nos propositions ont été pensées comme des éléments singuliers d’un environnement urbain mixte, composite, où le résidentiel, le tertiaire et les espaces verts forment un ensemble. Les larges espaces libres de la Vallée de la Seine comme les amples perspectives libérées sur le Trapèze au-travers d’un vaste parc, de sentes, d’un bâti fragmenté organisé autour d’ilots ouverts livrent une lecture horizontale et tendue du registre urbain. Il y a donc dans nos projets une composante horizontale affirmée qui vient cadrer, délimiter les limites du parc et accompagner les rives de la Seine et des émergences, des ponctuations envisagées en résonance avec d’autres points culminants de la boucle du fleuve tels que la tour Horizons ou les verticalités à venir de l’Ile Seguin.
La Vallée de la Seine est, dans sa traversée du Grand Paris, ponctuée de tours. On pense à La Défense, au Front de Seine, à la tour Eiffel, au quartier de la Gare de Lyon, ainsi qu’à bon nombre d’autres interventions architecturales disséminées sur le linéaire du fleuve, la géographie fluviale et son paysage favorisant les émergences. Dans le paysage Boulonnais des abords du fleuve, il nous a semblé primordial que des connivences s’installent entre les éléments qui dépassent le gabarit général du quartier. Nos deux projets sont pensés en relation avec une ligne d’horizon propre au site. Le contexte ici est à la fois le quartier et le Grand Paysage. Nous avons pensé nos projets comme des entités en résonance avec des émergences existantes : la tour Horizons, la tête du Pont de Sèvres, des émergences à venir comme celles prévues sur l’Ile Seguin. Ces trois entités constituent un triangle dont le projet vient tenir un angle, une extrémité. Dès lors, il s’agit de proposer un centre de gravité et un principe de gradation volumétrique qui instaurent une filiation avec le gabarit des immeubles érigés le long du quai et une complicité avec la proue de l’Ile Seguin.
Forts de ce constat, nous avons déplacé le centre de gravité de nos projets vers le Nord-Ouest de la parcelle afin d’établir une filiation avec les bâtiments qui longent le quai, mais surtout de ne pas générer un effet de proue qui rentrerait directement en concurrence avec celle de l’Ile Seguin. En effet, la proue de l’Ile Seguin a une légitimité géographique qui ne laisse aucune place à ce qui serait de facto un ersatz. La forme de la parcelle, ce triangle arrondi ne constituant pas une proue en soi, toute analogie à la batellerie serait donc fortuite. D’ailleurs un trapèze n’a pas de proue. Dès lors nos projets ont été conçus pour permettre le cadrage de vues et de perspectives, en mettant en œuvre, à la jonction du parc et du quai, une ligne de partage du paysage. Les exigences du programme nous ont conduits à concevoir deux projets de natures différentes, structurés par deux approches distinctes d’assurer la sécurité des personnes et des biens. Réfutant tout a priori formel, nous avons choisi de développer deux projets, deux conceptions structurées par deux possibilités réglementaires d’organiser la hauteur.
Périscopes
Ici plus qu’ailleurs la verticalité, la hauteur a à voir avec la géographie de ce site singulier, calé dans un des méandres de la Seine et bordé d’une topographie singulière. Les coteaux de Meudon dominent en une large courbe un territoire plan se prolongeant jusqu’à la capitale. Dès que l’on prend un peu de hauteur, que le regard dépasse la hauteur moyenne des constructions, c’est un large champ visuel qui s’ouvre sur 360°, avec les coteaux de Meudon comme toile de fond à l’ouest et le panorama parisien à l’est. Cette perception est renforcée par l’autonomie qui est donnée à la parcelle. S’il existe un rapport privilégié au fleuve, à la matrice, les vues privilégiées sont déployées sur 360°. S’élever de quelques dizaines de mètres et une relation singulière s’instaure entre le bâtiment et le territoire du Grand Paris. Il s’agit de ne pas banaliser cette relation dans une indifférence formelle. La tour voit et la tour est vue. Cet échange est tout sauf impersonnel, anonyme ou neutre. La nature de ce regard doit être caractérisée pour échanger loin. Les regards se croisent entre des points symboliques que nous avons identifiés et votre bâtiment.
Le bâtiment à l’instar d’un périscope va chercher, va cadrer des points de vue exceptionnels du Grand Paysage. Il s’agit de donner une acuité à ces émergences, ne pas banaliser dans une neutralité formelle le rapport au paysage. Comme un peintre ou un photographe, nous avons cadré des panoramas. D’un simple geste les tours installent une réciprocité avec le point de focus : La Défense, l’Arc de Triomphe, la tour Eiffel, la Manufacture de Sèvres, le lit de la Seine. Il s’agit de voir et d’être vu dans une altérité. Nous mettons en œuvre une appartenance forte à un territoire élargi, à un territoire riche d’une histoire présente et prestigieuse. La programmation hybride de votre programme avec la demande singulière pour deux types de bâtiments tertiaires nous a conduits à mixer intimement verticalité et horizontalité. Le projet fédère une tour allongée et deux émergences dans une unicité d’écriture. Le bâtiment est unitaire. Il se déploie horizontalement et verticalement en pliages successifs, délimitant dans ses pliures des cadrages du paysage. L’ensemble de ce dispositif vient flotter au dessus d’un RDC à la hauteur dédoublée générant de larges percées visuelles entre les quais et le parc. Il y a donc une forte composante horizontale qui tient l’ilot, organise les limites de la parcelle, accompagne l’organisation urbaine mise en œuvre sur le Trapèze en prolongeant les alignements et gabarits et un déploiement en hauteur qui ouvre sur le Grand Paysage. Le socle, ce rapport au sol que nous proposons est là pour ancrer le projet dans une filiation avec la structure urbaine environnante. Une tour c’est avant tout un rapport au sol pour un projet connecté avec une réalité urbaine qui participe à l’animation d’un quartier. La compacité du socle nous permet de dégager de larges espaces extérieurs libres. Il s’agit de générer des surfaces d’accueil plantés qui offre une gradation entre le domaine public et le bâtiment. Un certain nombre de programmes s’ouvrent sur ces aires extérieures avec la volonté de trouver des compléments en plein air pour la cafeteria, les halls d’accueil, ou le foyer.
Les deux premiers niveaux sont compris comme un seul volume, physiquement et au sens de la réglementation incendie. Il s’agit donc d’un volume très ouvert largement transparent mettant en relation le quai et le parc. Dans ces deux niveaux nous concentrons l’ensemble des locaux collectifs organisés autour d’une double hauteur. Les espaces tertiaires sont pensés pour être compacts, rationnels, polyvalents et évolutifs. Sur ce niveau, nous proposons de larges plateaux d’environ 5 000 m², ce qui nous permet d’avoir 25 700 m² de surfaces répondant aux exigences du Code du travail en matière de réglementation incendie. Les plateaux supérieurs entrent dans le cadre de la réglementation s’appliquant aux immeubles de grande hauteur. Le projet est pensé pour rationnaliser au maximum les noyaux. Leur compacité et leur position centrale permet de distribuer des surfaces extrêmement polyvalentes en termes d’habitabilité. Une grande majorité de plateaux dispose de prolongements sous forme de terrasses ou de balcons. Il s’agit de proposer des jardins suspendus, des surfaces extérieures protégées du vent comme compléments des surfaces de travail. Dans une recherche d’ouverture sur un environnement magnifique, il nous a semblé important de proposer des aires moins formelles, moins « tertiarisées », contribuant à la définition d’une identité au bâtiment au travers de la mise en œuvre d’un cadre de vie.