programme : construction d’un immeuble de 69 logements libres, 65 logements aidés et commerces en RDC
maître d’ouvrage : Inoprom – Emerige
architecte : ECDM architectes – chef de projet : Benjamin Ferrer
localisation : Place Félix Eboué, Paris XII (75)
superficie : 8848 m²
concours 2016
Nous avons pris pour hypothèse que l’histoire du site et son patrimoine construit devait être le point de départ de notre réflexion. Ainsi, le projet s’inscrit dans l’histoire du lieu et, ici, le temps a valeur d’écrin. La durabilité, la conservation de potentialités, le devoir de penser dans une économie de moyens à laquelle le projet aspire résolument, commencent par une expertise de ses composants. La créativité première consiste à identifier, sauvegarder et détourner une matière existante qui ne manque pas de qualités pour conserver ce qui n’est pas ou ne sera être dépassable.
De l’audit de l’existant, notre premier constat est la simplicité et l’efficacité de la gestion des limites de la parcelle avec les mitoyens, au moyen de volumes construits de bonnes factures, de généreuses hauteurs avec de belles prises de jour sur les tréfonds voisins. Il s’agit là d’un capital que l’histoire nous transmet et que nous ne serions plus en mesure de produire, dont la destruction serait sans retour. Nous héritons d’un écrin magnifique en limite mitoyenne alors que le rapport à la place, à l’espace public est chaotique, peu qualitatif, obsolète.
Aussi nous conservons le magnifique potentiel des bâtiments formant limites, auxquels nous adjoignions une intervention contemporaine sur tout le linéaire de l’espace public. Ainsi nous proposons la construction neuve de toutes les articulations, gestions de situations spécifiques que les exigences de la ville contemporaine requièrent en conservant les belles bâtisses de bureaux du cœur d’ilot.
Cette conjonction de deux temporalités de la construction est organisée, articulée par un jardin – vide partagé. L’ilot est traité dans son épaisseur, dans sa profondeur avec une saturation de ses limites, ce qui génère un espace contenu, une oasis – forme atypique où les écritures architecturales et les morphologies de deux époques se mêlent.
Ce vide contenu s’ouvre sur la place Félix Eboué pratiquement dans l’axe de celle-ci, au travers d’une faille en une ouverture verticale qui met en relation un jardin, un cloître urbain et l’espace public. Désaturer, générer des profondeurs de champ, mettre en relation l’espace public et la parcelle sont des nécessités absolues qu’exige Paris, qu’exige un travail sur la ville contemporaine. Cette fragmentation de l’alignement répond à une césure presqu’en vis-à-vis de l’autre côté de la place. Ce jeu géométrique vient renforcer l’organisation rayonnante d’une place circulaire contenue dans un vaste rectangle.
La faille est ici, non seulement dénominateur commun public/privé, mais aussi bien collectif via lequel l’ensemble des résidents et leurs hôtes transiteront. Un même accès pour les logements sociaux et les logements en accession, un même accès à tous les services : jardin, local vélos, halls, caves, locaux poubelles, jardins en toiture… C’est ici la figure du porche ouvert, porche paysagé qui nous intéresse. Le jardin s’arrête en limite de parcelle, derrière une clôture de verre scindant un socle bâti qui s’évase légèrement. En bordure de la place, de part et d’autre du jardin, deux commerces constituent le socle, le rapport au sol avec des vitrines de verre de 6 mètres de haut. A l’extrémité ouest se trouve l’entrée d’un petit parking qui reprend les sous-sols existants suivant la même démarche de durabilité, dans une économie constructive de temps et d’argent pour un chantier plus propre avec moins de poussière, moins de désagrément pour le voisinage, moins de risques pour les avoisinants.
Les volumes sur rue sont sculptés pour venir habiller les pignons qui se trouvent de part et d’autre de notre parcelle. Ces volumétries sont clairement envisagées comme des pièces d’articulation, comme des pivots qui retournent le front bâti vers une intériorité. La fluidité est recherchée, figure d’un Paris plus organique où la masse n’est pas affirmée de façon frontale mais sculptée pour venir enlacer le paysage. Dans une recherche d’entrelacement des pleins et des vides, l’ensemble des lignes de niveau est prolongé par un jeu de balcons tous spécifiques, ondulant à chaque niveau. Ces vastes balcons en prolongement de l’ensemble des logements constituent autant de valeurs d’usages : vivre dans son environnement, inventer ce que l’on veut y vivre. La façade est en relief avec une forte présence des sous-faces, toutes revêtues de bois. Des garde-corps constitués de plats métalliques assurent une relative transparence depuis les logements tout en garantissant une vraie intimité et un moirage chatoyant au regard des piétons et des flux des voitures. Les limites des logements sont constituées de baies en menuiseries de bois naturel de 1 mètre de large et de panneaux pleins de mêmes dimensions en verre émaillé. Ce jeu avec un même matériau, assurant pleins et vides, transparences et opacité dans une même texture, avec les mêmes reflets, génèrent des ondulations chatoyantes.
A l’intérieur de la parcelle le bâtiment conservé est découpé pour que sa morphologie soit mieux adaptée aux exigences de logements de qualité. La largeur du bâtiment est réduite pour avoir des logements moins profonds et plus lumineux. Ce travail de reprofilage se fait en tenant compte des spécificités de ces surfaces.